Voici une lettre qui a été envoyée au peintre NATO à la suite du Happening galerie l’Usine le 24 septembre 2006 durant l’exposition Fœtus du peintre NATO.

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  Peintre NATO, salut,

Je reviens à l’instant du Happening et de l’expo Fœtus à l’usine. Ce n’est pas aussi facile de décortiquer ce que l’on pense d’une œuvre aussi singulière. J’avais assisté la dernière fois à ton Happening dans un Franprix du 18° à Paris. Que j’avais trouvé plutôt cynique ( à mes yeux ) mais aussi très jouissif. Aujourd’hui je dois dire que j’ai été beaucoup plus ému. Mais cela ne vient pas tout seul : au début on est toujours circonspect face à cette mise en scène qu’on ne sait pas trop recevoir, ni interpréter. Ce qui semble ingrat dans ton travail c’est qu’on a vite fait de conclure que c’est tout juste un Happening dépassé style années 70 avec un vieux pervers qui profite de l’Art pour fourrer son nez dans les affaires des filles. Or si perversité il y a, elle est mise en scène, il y a le geste ( qui fait l’œuvre). Mais je ne crois même pas qu’il s’agisse de cela, ça serait trop facile

Tu parles toi d’obscénité critique : effectivement cette dénomination est intrigante et il faudrait que je creuse dans tes écrits pour mieux comprendre.

Je voudrais revenir sur le thème des femmes nues : bon nombre disent que c’est un bon prétexte de se prétendre artiste afin d’avoir l’occasion de se mettre à poils et tâter de la chair fraîche, sauf que ce qui ne va pas, c’est que la plupart du temps ( en tout cas, de ce que j’ai pu voir ) tes modèles ne sont pas des plantureuses naïades de 20 ans ; elles ont toutes, en général, la cinquantaine passée et c’est justement ce qui est beau dans la mesure où on a véritablement l’impression d’être confronté à des corps, à notre époque, on voit des filles à poils à longueur de journée, elles peuplent les médias sauf que ce ne sont que des images, des stéréotypes, des marchandises orgueilleuses qui ne font que passer et qui surtout n’ont aucun poids. Avec tes modèles, on perçoit d’une certaine manière le poids de la vie dans son incarnation, par les traces ( stigmates presque ) qu’elle laisse sur le corps : rides, la graisse, la peau qui tombe… c’est vivant ; c’est vivant parce que ça a vécu et c’est d’autant plus touchant que tes modèles se confrontent à ça et qu’il doit falloir énormément de courage pour exposer son corps, dans son constat aussi cru, à des personnes qu’elles ne connaissent pas et qui risquent de les juger. La façon dont tu les mets en scène ‘violente’ aussi leur intimité jusque dans la sexualité, et il est clair qu’il faut encore plus de cran pour livrer ainsi dans une œuvre une sexualité qui, à partir d’un certain âge, est devenue presque honteuse ( pour les bonnes mœurs ). Participer à ce type de Happening doit réellement être une expérience très forte pour elles, d’autant que vu de l’extérieur elles semblent, pour la plupart, être réservées ou en tout cas rien d’extravertie. Je m’attarde un peu sur le point de vue de tes modèles car je pense que ça a une importance certaine dans ton œuvre ; c’est après tout la matière avec laquelle tu travailles, une matière forcément très physique. Et je suis très attaché au côté physique d’une œuvre, à l’implication physique, même s’il s’agit d’une sculpture fixe mais dans laquelle on sent un mouvement, un travail, un geste et, pour le coup, ton geste, lui, est incroyablement physique, dans la mise en scène, dans la manière que tu as de prendre ta matière, tes modèles à bras le corps, de les soulever, de les déplacer, de les faire vibrer, de les faire agir. Une chose curieuse : c’est que pour la plupart elles jouent le rôle d’une matière inerte, presque morte et qui ne bouge que par ton intervention. Ce qui peut paraître paradoxal avec ce que je te disais sur les corps vivants, mais ce qui est important c’est la réaction que tu peux provoquer en ces femmes en intervenant sur elles en tant que simple corps-matière. Quand je parle de réaction, j’évoque bien sûr ce qu’il peut se passer en elles dans le fait de dévoiler crûment leur nudité, leur sexualité, leur carcasse-objet malaxée, travaillée et violée ( dans le sens où on viole un ‘tabou’ ).Donc on a donc des corps lourds ‘matièrisés’  qui échappent leur individu car ils sont accaparés par l’artiste mais qui en même temps livrent quelques choses d’eux-mêmes dans le fait d’avoir été ainsi usé ( par l’artiste donc ).

Et ça encore une fois c’est très vivant. Je me suis longtemps posé la question de savoir ce qu’il fallait comprendre dans ta mise en scène : pourquoi telle disposition, pourquoi tel mouvement, etc… mais maintenant je me dis que je me suis trompé de questionnement : comme ton art est très physique, il ne faut pas chercher à comprendre ce qu’il représente dans l’instant mais plutôt ce qui en résulte. Du moins c’est comme ça que je le conçois ; peut-être que je me trompe ?… en tout cas, j’ai de nouveau eu ce sentiment cet après-midi : durant le Happening on voit des corps bouger, être bougés, de la musique, des paroles ; on ne comprend pas tout puis finalement ça s’installe, une ambiance, un univers ( j’ai parlé de tes modèles qui seraient ta matière, de ta mise en scène qui serait ton geste, je dirais maintenant que cette ambiance, cet univers correspondrait à ta toile ou aux couleurs je ne sais pas trop ) et à la fin, une fois que les corps ont été mis à l’épreuve, qu’ils ont enduré la mise en scène, on parvient à un état tel… « La toile est finie » ! on est arrivé à quelques chose après avoir vécu, traversé différentes étapes qui constituent par touches l’œuvre. C’est un travail sur la durée… très physique encore une fois. C’est en tout cas comme ça que j’aborde et que je ressens ton travail : après, je vais certainement apprendre d’autres choses dans tes écrits qui me feront voir tout ça d’une manière autre, il faut aussi que je m’intéresse à tes dessins, et tes musiques…

Longue route à toi. 

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